Urgences débordées, grave pénurie de soignants dans les hôpitaux et en ville : 2022 se termine par un stress extrême pour le système de santé, en passe de « s’effondrer » selon les experts, qui attendent le « rétablissement » promis par le gouvernement.
Lorsque François Braun est arrivé au ministère de la Santé début juillet, il a parlé d’un « système de santé à bout de souffle ». Six mois plus tard, l’offre de soins semble être dans un état encore pire.
La « triple épidémie » hivernale a frappé un système déjà exsangue en raison d’une pénurie structurelle de soignants, malgré les milliards d’euros investis dès 2020 dans le cadre du Ségur de la santé pour renforcer l’attractivité du secteur.
Si la situation s’est améliorée sur les fronts de la bronchiolite et du covid-19, elle s’est tendue sur le front de la grippe, a qualifié mercredi le ministre de la Santé d' »explosion des cas » qui a conduit à la saturation des services de réanimation.
Partout, les appels au 15, les visites aux urgences et l’utilisation des brancards dans les couloirs sont anormalement élevés. Localement, comme en Savoie et dans l’Ain, des « plans blancs » ont été lancés, permettant de déprogrammer des opérations non urgentes pour libérer des lits.
Des « erreurs » dans le système ont des conséquences catastrophiques, a pointé le syndicat français Samu-Urgences, qui a recensé 30 « morts inattendues » en France depuis le 1er décembre de personnes en attente de soins hospitaliers.
Bien que moins mobilisant que le mouvement début décembre, une nouvelle grève des médecins généralistes entre Noël et Nouvel An a accru la pression sur l’hôpital et les urgentistes libéraux SOS Médecins. Plus de 50 % des cabinets médicaux sont fermés, indique le groupe Doctors for Tomorrow, alors que la Caisse d’assurance maladie estime une baisse de 5 à 10 % de l’activité des médecins généralistes.
Leur demande centrale reste l’augmentation du prix du cabinet de consultation à 50 euros, afin de créer un « choc d’attraction » sur la médecine de la ville, écrasée par les tâches administratives et qui n’attire plus les jeunes.
Tout en reconnaissant les « difficultés et parfois l’épuisement de certains médecins libéraux », François Braun a « fermement » condamné le mouvement alors que les négociations sur une convention liant ces médecins à l’assurance maladie ne sont pas encore abouties. Un ancien médecin urgentiste a déclaré dans la « semaine de tous les dangers » qu’il est « inacceptable que l’accès aux soins de santé français soit à ce point mis à mal ».
Son successeur à la tête du Samu-Urgences de France, Marc Noizet, a estimé que cette grève arrivait « au pire moment ». Mais tous les médecins hospitaliers n’ont pas critiqué cette mesure.
L’intersyndicale Action Praticiens Hôpital a appelé « à ce que le mouvement des médecins libéraux soit pris en compte : l’effondrement de notre système de santé n’est que la pointe de l’iceberg ».
Au cœur des attentes se trouve l’amélioration des conditions de travail. « Il y a une réponse financière », mais elle n’est pas suffisante, a déclaré vendredi l’urgentologue Mathias Wargon. Il nous faut « une réponse fondamentale, qui soit d’assurer la qualité de vie au travail, l’intérêt au travail », a commenté franceinfo, notant que « les infirmières – plus que les médecins – ont l’impression de boucher des trous ».
Un groupe de plus de 5 000 médecins, infirmières et employés d’hôpitaux ont récemment exigé des horaires fixes et des ratios maximum patient-infirmière. Cela nécessiterait d’embaucher « environ 100 000 infirmières » sur trois ans.
A eux seuls, les hôpitaux parisiens veulent embaucher 2 700 infirmiers en 2023 et autant en 2024. Il faut dire qu’en quatre ans, le nombre d’infirmiers de l’AP-HP a diminué de 10 % contre environ 17 000 en 2018, et par conséquent le la part des lits fermés s’est aggravée à 16 %.
François Braun a réaffirmé cette semaine qu’il publiera en janvier des « grandes orientations » pour restructurer l’offre de soins dans les hôpitaux et en ville, en s’appuyant sur les travaux du Conseil national de réinsertion (CNR).
« C’est tout le système de santé qu’il faut refondre en profondeur, et cela devient urgent », prévient Action Praticiens Hôpital.