« Peut-être que j’ai compris quelque chose d’insignifiant mais encore une fois, ça n’a pas de sens ! » » . Nathanaël (*), médecin de famille dans le Finistère sud, garde en tête le plan d’intéressement que lui a présenté un représentant de la CPAM. « Comme deux ou trois fois par an, il venait mesurer le nombre d’arrêts de travail distribués , et prescrire des anti-inflammatoires, des antibiotiques… Tout cela fait partie du nécessaire dialogue avec la Sécurité Sociale. Et puis, cela nous situe par rapport aux collègues du service, même si nous n’avons pas le même patient. base sur la côte comme en Centre Bretagne ».
« Ne pas prescrire de médicaments trop chers »
C’est la séquence pour lui de dépenser moins : la conversation s’est poursuivie avec topo sur les médicaments « biosimilaires » (ou génériques) que la Sécurité sociale incite à prescrire car ils sont moins chers que les « bio-références ». « Si ça s’était arrêté là, je n’aurais rien trouvé à redire », ponctue le médecin, qui dit s’engager à « ne pas prescrire de médicaments trop chers pour une même qualité de soins ».
3 € par boîte de Sanofi prescrite
Mais l’échange s’est poursuivi sur le cas précis de l’insuline, qui est utilisée dans 95 % des cas pour traiter les diabétiques. L’un des « biosimilaires » est l’insuline asparte de Sanofi, tandis que la bio-référence (médicament de référence) est le « Novorapid Flexpen ». Le premier est vendu 23,88 €, tandis que le « Novorapid » atteint 33,99 €, soit 10 € plus cher. C’est là que le représentant de l’Assurance maladie lui indique qu’en prescrivant le biosimilaire, il percevra, la première année, un pourcentage de 30 % sur la différence, soit 3 € pour chaque boîte vendue.
« J’ai vu qu’elle était gênée »
Nathanaël reste interdit. « Attendez, je suis d’accord pour économiser de l’argent, mais éthiquement ce n’est pas génial. » Alors qu’il se rebelle, ses souvenirs lui reviennent, ayant appris alors qu’il était encore interne, « à ne pas rencontrer les représentants des laboratoires, qui rinçaient les médecins. Et là, on serait payé par la Sécurité Sociale pour prescrire un laboratoire, en l’occurrence Sanofi ? Et pourquoi ce laboratoire, de toute façon ? « . Cela signifie son refus à son interlocuteur – « Elle m’a dit qu’elle comprenait mon point de vue mais j’ai vu que c’était gênant ».
« Trois collègues ont eu la même info »
Le lendemain, il contacte le laboratoire Lilly France, dans le Bas-Rhin, qui lui prescrit également de l’insuline rapide. « Il n’était pas au courant », explique-t-il. Il est également ouvert à ses collègues. « Trois d’entre eux avaient les mêmes informations. » D’autres, à Lanvéoc-Poulmic et Rosporden, notamment, n’ont pas tenu le même discours.
Contactée, la CPAM précise qu’il s’agit d’un dispositif national « pour l’efficacité des prescriptions », formalisé dans l’avenant 9 à la convention médicale, « signé entre l’Assurance maladie et les représentants des professionnels de santé. L’objectif est donc d’informer les médecins sur cette mesure, et leur présenter concrètement l’offre biosimilaire et les modalités d’intéressement. Les médecins restent entièrement libres de prescrire ou non un biosimilaire.
De son côté, Sanofi tient à préciser qu’il n’y a rien d’anormal dans ces pratiques : « C’est un mécanisme d’intéressement qui a été mis en place par l’Assurance maladie (sans que Sanofi ait intérêt bien sûr) à promouvoir les biosimilaires de prescription de certaines molécules permettant ainsi à l’Assurance Maladie de faire des économies ».
« Le pharmacien a-t-il aussi une prime ? »
Sans en faire une montagne, Nathanaël reste vexé et se perd en spéculations : « Sur les 10 € de différence, 3 € iront chez le médecin. Mais le pharmacien doit aussi jouer le jeu, délivrer le bon médicament. Alors, a-t-il aussi une prime? Et Sanofi, quel partenariat a-t-il noué avec la Sécurité Sociale pour baisser autant ses prix par rapport aux autres laboratoires ? Et si c’était un moyen de rentabiliser son vaccin contre le covid 19, commercialisé bien plus tard que ses concurrents ? « .